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En Bretagne, les chiffres prévisionnels du vieillissement de la population sont connus et tout est en place pour affronter ce qui n’est pas un problème mais bien un défi. Le nombre des plus de 60 ans va augmenter d’un tiers d’ici 2040 et la population des plus de 75 ans va doubler[1]. A moins d’un incident démographique majeur, on sait que la prospective démographique est la plus fiable et pour répondre à cette situation, un seul mot est nécessaire : l’anticipation. Or, les différentes collectivités ont plutôt eu tendance à botter en touche et à reporter des décisions inéluctables.  On le constate par exemple déjà avec des problèmes d’accès et de soins pour les personnes de grands âges (les « déserts » médicaux, les limites des structures EHPAD insuffisantes pour des raisons de place et de coûts à accueillir tout le monde, etc.). Il est désormais certain que les solutions ne viendront pas uniquement des collectivités mais aussi d’une capacité des différents acteurs à s’organiser, voire se saisir de cet enjeu avec un autre regard[2].

C’est exactement ce qu’ont réalisé les différents acteurs de « Kozh Ensemble » Il est aussi appelé le gérontopole breton puisqu’il en existe d’autres (en Pays de la Loire, à Toulouse, etc.). Toutefois, son originalité est qu’il n’est en rien une structure institutionnelle ou coûteuse. Celui de Toulouse a mobilisé 350 000 Euros dès sa première année (2007). Le projet de gérontopole des Pays de la Loire commençait par un projet pour créer une « maison de la longévité » estimé… à 3 millions d’Euros pour héberger cette nouvelle structure.

Ici, les Bretons se sont organisés différemment pour créer un gérontopole à la mode bretonne. « Kozh ensemble » est une association, pas une structure de plus. Pour lors aucun permanent mais du temps consacré par des bénévoles. Pas de locaux mais des réunions dans des salles existantes. Il en existe et elles sont parfois équipées, ce qui permet aux adhérents de limiter au maximum les déplacements et les coûts (visioconférence, même par Skype).  La volonté est, grâce à des réunions de travail très concrètes, de trouver des réponses. Ici, la petite association de 2 personnes peut à parts égales côtoyer un grand de l’assurance ou une entreprise de transport. Il n’y a pas de réelle hiérarchie. La clé ? Des projets et une transversalité des acteurs. Cela marche. Plus de 40 associations, entreprises, institutions sont représentées. Des réalisations très concrètes ont été obtenues, par exemple quand la SNCF a créé des voyages « découvertes de villes » à prix cassés. Accueillis par des greeters, les anciens marchaient à leur rythme. Cela renforçait la mobilité qui, on le sait, diminue les pathologies, etc. Un exemple parmi cent d’un autre cercle vertueux à inventer. Résoudre ce que certains appellent le vieillissement impose une transversalité des actions pour diminuer les coûts et appréhender l’enjeu différemment, apporte un tout autre regard sur ce vieillir qui est aussi notre devenir.

Cela marche. Le bénévolat qui a permis de lancer cette dynamique nécessaire à l’intérêt général trouve toutefois ses limites en raison de la montée en puissance des besoins. Pour accompagner cette croissance, il devient aujourd’hui nécessaire de pérenniser un poste de salarié dont la vocation est d’organiser les réunions, de préparer les dossiers, de faire circuler l’information, de mettre à jour le site web, d’identifier les appels à projets sur lesquels les contributeurs du gérontopole pourront se positionner collectivement pour les gagner. Le coût est dérisoire au regard des millions d’Euros investis ailleurs. Le Conseil régional -dont ce n’est pas la compétence première- est volontaire pour contribuer à l’effort financier. Mais ce défi concerne toutes les échelles du territoire. Les départements responsables des aides sociales. Les villes et les métropoles également. Le soutien financier ou en moyens humains de ces collectivités est indispensable, sur le fond et la forme, pour compléter l’apport proposé par le Conseil régional ; décisif pour soutenir cette dynamique régionale pionnière et originale. Sans cet engagement des collectivités aux côtés des acteurs socio-économiques du territoire, cette énergie associative va se dilapider avec le risque, lorsque les collectivités seront confrontées au tsunami du vieillissement, qu’il ne soit trop tard.

Bretagne Prospective

[1] Projections démographiques à l’horizon 2040. Une croissance forte, un vieillissement inéluctable. Octant, n°10, octobre 2010. file:///D:/Users/OCTANA10%20(1).pdf

[2] 20 dossiers pour construire la Bretagne ; « La Bretagne vieillit. Aubaine ou bombe à retardement », dossier n°14, 2015.  https://www.construirelabretagne.bzh/dossier-14-la-bretagne-vieillit-aubaine-ou-bombe-a-retardement