Sélectionner une page

Coupées administrativement depuis 1956, voilà les deux Normandie réunies pour la fierté des Normandes et des Normands. Cet exemple, à peu près le seul à trouver satisfaction dans la refonte du périmètre des régions donne envie à leurs voisins Bretons. La Normandie réunie est aussi l’ébauche intelligente d’un Ouest reconstitué en 4 grandes régions.

Article en ligne sur paris-normandie.fr

Une réunification encore à construire

Cette réunification semble tomber sous le sens. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

Philippe Cléris: « Oui, cette unité géographique et historique s’impose. Encore plus aujourd’hui comme un principe d’ordre moral dans le cadre de l’hommage rendu par la nation à la Normandie résistante et unie pendant la guerre (lire en page 10). Cela aurait été absurde ne pas y venir puisque cette réunification existe déjà dans les faits. Les grands acteurs économiques ont intégré cette réalité depuis longtemps. Il suffit de citer les transporteurs routiers, les chambres de commerce régionales, les experts-comptables, l’Agence de l’eau, l’aviation civile… Cette réforme est une opportunité historique pour la Normandie. Il manquait « juste » les politiques qui bloquent depuis les prémices de la régionalisation en 1972. On connaît la chanson. Une vraie cour de récré depuis plus de 40 ans ! Lecanuet voulait que tout soit réuni à Rouen, d’Ornano à Caen, et Fabius premier président du conseil régional de Haute-Normandie, guère plus chaud… »

Antoine Rufenacht: « J’en suis un défenseur acharné depuis 1972. Alors député et conseiller général, j’ai écrit à Peyrefitte (alors ministre des Réformes administratives) pour lui dire que c’était une erreur de faire deux régions. Je sentais que chez certains conservateurs bas-normands, l’idée de s’associer avec les bolchos de la Vallée de la Seine ne séduisait pas forcément ! J’ai ressorti l’idée en créant vers 1984 l’association Normandie Horizon 2000, morte moins de 3 ans après. Lecanuet et d’Ornano semblaient d’accord et puis rien ne bougeait. Ils avaient l’impression d’être piégés. En 1996, alors président du conseil régional, j’ai invité René Garrec en lui disant qu’il fallait avancer sur ce dossier puisque nous tenions tous les deux les régions. J’ai senti comme une avancée vers la fusion. Je me suis dit que l’affaire était dans le sac. Et puis, rien n’a bougé. Cette réforme va donc dans le bon sens et concerne deux régions qui offrent de vraies complémentarités. »

Il reste pourtant la question politique et capitale…

P.C.: « Aucune des trois grandes villes n’a la qualité pour devenir la capitale de cette nouvelle Normandie. En France, on a cette culture de la caserne, du chef. Il faut en sortir. Ce qui me plaît dans cette géographie, c’est la différence. Il me paraît important de partir avec ce qui existe déjà. Caen articulée autour d’une technopôle et de la recherche, Le Havre autour de la logistique et du portuaire et Rouen le centre financier. Il y aurait un réseau de tête qui pourrait animer les villes normandes par un système de contractualisation. »

A.R.: « Il me paraît légitime que Rouen proche de Paris et première agglo de la région devienne la capitale. Laurent Fabius pèsera sans aucun doute dans les discussions. Ce système de compromis bâtard avec une triple capitale n’est pas tenable. Chacun partagera ses administrations et rien ne changera. Même si Le Havre a de bonnes raisons de se positionner. Je ne crois pas que la fusion puisse faire l’économie des dépenses de fonctionnement. C’est là qu’il faut opérer avec une programmation pluriannuelle des dépenses de fonctionnement. »

Concrètement, qu’est-ce que cela va changer pour la population, pas consultée

P.C. : « Je regrette que la parole soit très institutionnelle. Il faudrait un débat public élargi qui va peut-être venir. Le président de Basse-Normandie a organisé des réunions publiques pour dialoguer avec la population. Pour les Normands, ce rapprochement peut changer en matière de déploiement des services publics, permettre aussi par exemple à des secteurs ruraux (sud du pays de Bray, le Perche, une partie de l’Orne…) de rattraper leurs retards en infrastructures routières, démographie médicale… »

A.R.: « C’est important en termes d’image et de positionnement. Pour le secteur portuaire par exemple, avec Haropa déjà, il n’y a qu’une seule voix et c’est la meilleure façon d’être compris de Hong Kong à Buenos Aires… Cette réforme doit être conduite et la Normandie est la région la plus propice au regroupement territorial. Quant à la démocratie représentative, il faut faire confiance aux élus. Un référendum réunirait 25 % d’électeurs. Pour le reste, cette fusion ne changera rien pour la vie quotidienne des Normands. Ce n’est, en tout cas, pas leurs principales préoccupations du moment… »

(*) : Bienvenue en Normandie est un collectif pro réunification classé à gauche, basé à Caen. Antoine Rufenacht (UMP) a également été président de la Région Haute-Normandie de 1992 à 98.

Philippe Cléris,
Président du collectif Bienvenue en Normandie

Antoine Rufenacht, ancien maire du Havre

Lire l’article sur paris-normandie.fr