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Historique », « sensationnel », « sans précédent ». Pour une fois, les superlatifs ne semblent pas déplacés. En l’espace d’une soirée électorale, les indépendantistes écossais ont tourné une page de l’histoire de leur province et sans doute marqué une étape décisive vers la satisfaction de leur revendication ultime : l’indépendance.

La page d’histoire, c’est celle de l’enracinement séculaire du Parti travailliste parmi les classes populaires de cette région pauvre et industrieuse. Des décennies de domination du Labour sur la vie politique écossaise ont pris fin jeudi 7 mai. « Nous sommes désormais des outsiders », a concédé dignement Jim Murphy, le patron des travaillistes écossais, battu dans son fief comme 38 de ses compagnons de parti.

Le Labour, qui détenait 40 des 59 sièges de députés écossais, n’en garde qu’un seul, à Edimbourg. Le Parti national écossais (SNP, indépendantiste), qui n’en possédait que 6, en a conquis un total de 56.

Sturgeon, star de la campagne

Personne, au lendemain du référendum sur l’indépendance, en septembre 2014, n’avait prévu ce chassé-croisé spectaculaire qui apparaît pourtant aujourd’hui comme la conséquence de ce vote à 45 % en faveur de l’indépendance. En réveillant la vie politique dans une région tenue pour acquise par le Labour, en redonnant fierté et confiance aux Ecossais, le SNP a enclenché une dynamique hautement perceptible sur le terrain pendant la campagne électorale.

L’élection de Mhairi Black, une étudiante en sciences politiques de 20 ans, militante du SNP depuis l’adolescence, totalement inconnue, contre un baron local, Douglas Alexander, ministre des affaires étrangères dans le cabinet fantôme travailliste et chef stratège de M. Miliband, en est le plus fort symbole.

Impressionnant, le triomphedu SNP résulte en réalité d’une montée en puissance progressive permise par la création, en 1997, par Tony Blair, du Parlement écossais. Ironiquement, l’ancien dirigeant travailliste a alors préparé sans le savoir l’écrasement de son propre parti, dix-huit ans plus tard, au nord du mur d’Hadrien. En dépit d’un système électoral conçu pour le contenir, le SNP a conquis en 2007 une majorité relative, puis en 2011 une majorité absolue dans cette Assemblée d’Edimbourg. Le parti, positionné plus à gauche que le Labour, s’est fait apprécier de la population pour sa politique sociale.

Cette année, c’est en se faisant la championne de la dénonciation de l’austérité décidée à Londres par les tories, que Nicola Sturgeon, patronne du SNP depuis novembre 2014, est devenue la vedette de la campagne électorale nationale. En promettant d’aider Ed Miliband à gouverner, elle lui a probablement donné le baiser de Judas, tant cette perspective était insupportable aux électeurs anglais.

Alex Salmond, ancien chef du SNP et nouveau patron des députés indépendantistes à Westminster, a déclenché les hostilités en mettant en doute, jeudi, « la légitimité d’un gouvernement Cameron en Ecosse ». En provoquant un « tsunami », selon le mot de M. Salmond, le SNP a placé de fait l’Ecosse en situation de sécession électorale. La victoire de M. Cameron, loin de contrecarrer les plans du SNP, pourrait les accélérer. Le premier ministre, en agitant le spectre d’une alliance gouvernementale entre le Labour et le SNP mortelle pour l’unité du royaume, tout en gratifiant Mme Sturgeon d’incessants compliments, a clairement joué la carte du SNP pour écraser le Labour. Le résultat confirme la terrible efficacité de cette stratégie. Mais ce choix à court terme favorise doublement les desseins du SNP.

Nicola Sturgeon, leader du parti indépendantiste écossais (SNP) célèbre la victoire de son mouvement politique à Glasgow le 8 mai 2015. ANDY BUCHANAN / AFP

Nicola Sturgeon, leader du parti indépendantiste écossais (SNP) célèbre la victoire de son mouvement politique à Glasgow le 8 mai 2015. ANDY BUCHANAN / AFP

Tensions exarcerbées  ?

La victoire de David Cameron, archétype de la suffisance de l’élite anglaise aux yeux de beaucoup d’Ecossais, risque d’exacerber les tensions avec Londres. Les Ecossais ne se plaignent-ils pas couramment d’être dirigés par un gouvernement de sensibilité contraire à leur choix électoral ?

Le référendum sur la sortie de l’Union européenne promis par David Cameron pour 2017 pourrait favoriser plus encore la marche vers l’indépendance. Mme Sturgeon n’a pas caché que les Ecossais, plutôt proeuropéens, refuseraient d’être entraînés hors de l’UE par les seuls Anglais.

Que l’Ecosse et l’Angleterre votent de façon divergente sur le « Brexit », et MmeSturgeon réclamera un nouveau référendum, sur l’indépendance de l’Ecosse cette fois. La nouvelle « dame de fer » de l’Ecosse a prédit que son pays accéderait à l’indépendance « de son vivant ». Et elle a 44 ans.

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