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Ronan Dantec refuse, avec quelques raisons, le statu quo actuel, qui bride le développement de la Bretagne. En privant la Bretagne de la Loire Atlantique, le statu quo fige les trois régions Bretagne, Pays-de-la-Loire et Centre dans une situation de handicap dont personne ne veut.

Souhaitant proposer ce qu’il estime être un compromis de sortie de crise, il pose comme axiome irréfutable qu’aucune région ne peut être redécoupée, pour la raison que le gouvernement s’y oppose. Cette soumission de principe fait peu de cas de la démocratie. Un gouvernement peut se tromper et c’est à nous de le lui dire. La sortie de crise passe donc bien par la consultation populaire là où se manifeste la contestation. Pour la question qui nous occupe, la population s’exprime avec une vitalité qui ne trompe pas à l’échelle de la Bretagne à cinq départements.

A partir d’un postulat irrecevable, Ronan Dantec construit un objet conceptuel irréaliste. Il imagine une région à plusieurs vitesses, cultivant dès l’origine des ferments de division dont on imagine mal la compatibilité avec un projet régional fort, emportant l’adhésion des populations. Le cœur de sa proposition consiste à fusionner au sein d’une vaste région Bretagne Pays-de-la-Loire un sous-ensemble constitué des cinq départements de la Bretagne historique dans une Assemblée de Bretagne chargée de gérer « des compétences spécifiques, égalité territoriale, culture, tourisme, eau… ».

On imagine mal l’acceptabilité constitutionnelle d’une telle organisation à deux niveaux. La première étape, consistant à fusionner les deux régions, sera certes encouragée par nos gouvernants. La seconde, celle de la constitution de l’Assemblée de Bretagne, sera au mieux approuvée du bout des lèvres, sous réserve d’examens complémentaires, mais ne sera jamais franchie. La proposition de Ronan Dantec a donc, bien malgré lui sans doute, toutes les caractéristiques d’un marché de dupes.

Mais le pire serait que la proposition de Ronan Dantec voit bel et bien le jour. « Quand les dieux veulent nous punir, ils exhaussent nos prières », disaient Oscar Wilde… Comment imaginer un Conseil Régional dans lequel une moitié des élus ne se sentira pas concernée par les questions traitées par l’autre moitié ? Quelles discussions budgétaires s’en suivront et quelles incessantes querelles sur les contreparties ? Pourquoi les élus de la Sarthe se sentiraient motivés par les problèmes de désenclavement de la Bretagne quand ils sont à une heure de Paris ? Que restera-t-il de la sensibilité bretonne dans un conseil gouverné par un Président apparenté à un Auxiette ou à un Fillon ? Est-il raisonnable de compter sur leur soutien actif pour le développement de la marque Bretagne, du .bzh, de la langue bretonne ?

L’Assemblée de Bretagne, dont le rôle se cantonnerait pour l’essentiel à la défense d’intérêts culturels considérés de façon très réductrice comme indépendants de la sphère économique, n’aura en réalité aucun poids sur la question majeure de l’équilibre territorial. Pour l’ouest de la Bretagne, c’est la chronique d’un désert annoncé.

On ne peut pas imaginer un enthousiasme fractionné au sein d’une même région. La force d’un territoire, c’est l’adhésion de sa population à un projet cohérent qui s’appuie autant sur la culture que sur l’économie. Les régions fortes démontrent partout dans le monde que ces deux pôles sont indissociables.

Un territoire morcelé et sans ferveur porte en germe le désengagement démocratique. La vitalité de la démocratie est indissociable du sentiment d’appartenance. Une région désunie est une région désinvestie. C’est un risque majeur pour la solidarité locale.

Enfin, la vision de Ronan Dantec néglige la région Centre dont le problème reste entier, alors que la constitution d’une belle et forte région Val de Loire répondrait aux vœux et aux intérêts  des habitants.

Animé de bonnes intentions, Ronan Dantec, en étayant son raisonnement sur un postulat erroné, produit le prototype d’une fausse bonne idée. Du moins aura-t-il contribué à animer le débat en cherchant à introduire de nouvelles idées et de nouvelles solutions. Son effort a le mérite de nous rappeler que l’avenir reste grand ouvert.

Le comité de rédation construirelabretagne.org