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Après le vote en première lecture du projet de loi sur la réforme territoriale à l’Assemblée nationale, qui conforte la partition de la Bretagne, il est peut-être temps de dresser un rapide état des lieux.

Le Pouvoir serait le premier responsable du statu quo ?
La sphère publique se défie de la résilience de nos vieux peuples qu’elle perçoit comme une menace pour ses fondations républicaines. Fallait-il attendre autre chose du Pouvoir convaincu de son droit de bouleverser la carte territoriale selon son bon plaisir, car il ne connaît que de citoyens abstraits dépourvus de liens et d’affects ?
Sa première préoccupation est moins la promotion des intérêts locaux que le contrôle sociétal par tous moyens : média, clientélisme, ou fonctionnarisation des forces militantes. Et il sait y faire comme en témoigne le déminage de la fronde des bonnets rouges dans un pacte d’avenir dont on ne parle déjà plus. La sphère publique hypertrophiée imprègne sans difficulté la société de son idéologie.

Le PS aurait perdu sa vocation émancipatrice ? Souvenons-nous de la responsabilité de la SFIO dans la partition de la Bretagne et le colonialisme abject. Mais nous évoluons au sein d’une société gouvernée par les formes de la démocratie où il ne tient qu’à la société civile d’imposer ses valeurs, d’affirmer haut et fort la volonté des Bretons de vivre dans une Bretagne réunifiée et dotée d’une véritable autorité politique. Entre la sphère politique qui s’abreuve aux dogmes jacobins et la société civile bretonne, se livre une lutte de tous les instants où il revient à l’une ou à l’autre de dicter sa loi. Comment ne pas constater, après le vote en première lecture de la réforme territoriale, que la sphère publique conserve nettement l’avantage ? Nos grands élus qui, il y a peu de temps encore, poussaient à la réunification, se taisent à présent. Certains vont même jusqu’à promouvoir la disparition de la Bretagne dans le grand-ouest. M’en voudra-t-on si je dresse ici le constat d’une société civile bretonne encore embryonnaire et qui, par manque d’unité ou de conscience d’elle-même, demeure peu audible ?

Mais cet été, un vent se lève, une volonté nouvelle -et pas seulement parmi les acteurs du monde culturel-, comme un désir de Bretagne unie et suffisamment forte pour gérer ce qui ne concerne qu’elle. Conscients de l’échec du modèle français, les acteurs économiques sentent que les véritables réformes ne peuvent plus attendre et que la Bretagne réunifiée dotée de larges compétences devient incontournable au soutien de l’économie locale. La réunification conditionne notre capacité à concevoir un projet de développement global, ambitieux, et à sauvegarder notre culture. A défaut, la société bretonne n’aura aucune prise sur elle-même, plus que jamais soumise au bon vouloir de la centralité dans une France en crise budgétaire et morale sans précédent.
Ce désir de Bretagne unie, il nous faut lui donner forme aujourd’hui et le traduire dans les termes du rapport de force politique. Aussi, regardons loin ! Lançons une de ces dynamiques qui comptent dans l’histoire! La réunification ne concerne pas que « Bretagne réunie » et « 44 Breizh », mais toute la Bretagne
Rassemblons toutes les énergies bretonnes dans une plate forme citoyenne autour de l’indispensable réunification et jetons, si possible, les bases d’un projet de développement global pour la Bretagne. A défaut d’une telle dynamique, pensons-nous vraiment pouvoir inverser le rapport de force politique en septembre ? Le temps du débat et des beaux arguments est déjà derrière nous car la grande bagarre, c’est maintenant ! Et il nous reste deux mois.

Yvon OLLIVIER
L’un des porte-parole de la Coordination des juristes de Bretagne
Auteur des ouvrages « la désunion française » ed l’harmattan 2012 ; « Gueule cassée, Lom ar geol » ed Yoran embanner 2014.