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Le trafic global des ports de Nantes-Saint-Nazaire est de 26,4 millions de tonnes en 2014 alors qu’il était de 27,7 millions de tonnes en 2013 (encore -4,7 % en un an). Surtout, les  différents ports de l’estuaire ont perdu en 6 ans un quart de leur trafic (il était de 34 millions de tonnes en 2006). Cette chute survient au moment où l’essor de la globalisation favorise l’envol du commerce maritime. Dans le monde, ce dernier a doublé entre 2005 et 2014. La mer assure 95 % du commerce mondial des marchandises et toutes les péninsules par définition incontournables voient leur business s’envoler (le port de Busan par exemple, à l’extrémité de la Corée du Sud, est devenu le 3e port mondial pour le trafic de conteneurs). La mer n’est pas une « fin de terre » mais, si l’on sait l’utiliser, la rampe de lancement du négoce. Sur les dix dernières années, le trafic mondial a doublé et l’ensemble des ports bretons a perdu 28 % de ses activités ! Cette situation est d’autant plus invraisemblable que la Bretagne est un quai naturel posé sur la seconde route maritime mondiale qui voit passer un cinquième du trafic mondial des marchandises.  La péninsule regarde donc de plus en plus passer des navires toujours plus nombreux sans en tirer bénéfice.

 

Cette situation interroge l’estuaire de la Loire, porte historique de la Bretagne et pose pour le moins problème. Le trafic nantais est à 71 % consacré aux importations. Le port a bénéficié en 2014 de 8 millions d’Euros d’investissement alors qu’on songe à mettre … 600 millions d’Euros pour la création éventuelle de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. En dehors du Havre puisqu’il est le port de Paris, les infrastructures portuaires françaises sont oubliées. Leur mode de gestion est bien trop lourd, les taxes trop importantes et le poids de certains lobbys font qu’ils ne sont pas compétitifs. Surtout, Nantes-Saint-Nazaire a dès l’origine été conçu comme une porte d’entrée énergétique et non comme un espace de rayonnement (le pétrole à Donges, le terminal méthanier de Montoir-de-Bretagne…). De manière très profonde, à une époque où il fallait assurer suite au déclin du charbon l’approvisionnement de la France (les années 1960 et 1970), Paris a simplement conçu les ports comme des réceptacles énergétiques (pétrole, gaz…) et non comme des plates-formes intégrées et de réels hubs portuaires permettant l’export et la conquête des marchés. La capacité et le potentiel de rayonnement régional n’était même pas évoqué.  Le bilan est donc dramatique et illustre une nouvelle fois les effets dévastateurs du centralisme, son incapacité non seulement à croire au potentiel export de régions fortes, mais tout simplement à l’envisager. Parallèlement, les « Pays de la Loire » n’ont eu aussi de cesse de privilégier les raccordements terriens pour unir Nantes à Angers ou Ancenis (13 millions d’Euros sur la seule année pour le T.E.R en 2008 par la seule région !). Pour légitimer un découpage qui n’allait pas de soi, la région dite des Pays de la Loire a sans cesse investi vers l’est (Angers, Le Mans…), abandonné l’estuaire et laissé  l’identité maritime de la Loire-Atlantique en friche. Le problème est que les pouvoirs en place investissent pour se pérenniser et non pour bâtir un projet économique. On néglige la génétique territoriale. On oublie la mer. Plus encore que Marseille (qui vient de recevoir 28 millions d’Euros pour le lancement de la plus grande cale sèche en Méditerranée), le port de Nantes Saint Nazaire est le grand oublié de l’aménagement du territoire français. Il est à la fois oublié par l’Etat et par sa région alors qu’il ouvre la porte de l’Atlantique et du monde. On marche sur la tête. En négligeant la mer, la liaison Montoir-Gijón est en train de fermer. Les Bretons savent ce qu’est la mer. Chenchomp penn d’ar vazh. Changeons le bâton de côté ! En partenariat avec les autres ports bretons, personne en Bretagne ne refuserait que Nantes-Saint-Nazaire se saisisse enfin d’une véritable stratégie maritime bénéfique pour toute la Bretagne et plus généralement pour l’Ouest de la France. En difficulté, les milieux d’affaires nantais vont-ils se réveiller et analyser enfin ce problème de positionnement, être audacieux plutôt qu’enfermés dans des rouages administratifs qui objectivement ne marchent pas ? Pour contrer un déclin qui peut être systémique, la Bretagne peut être porteuse pour Nantes-Saint-Nazaire d’une espérance et d’un réel succès maritime.

Le Comité de Rédaction