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Voici ci-dessous un point de vue publié en mars 2012 dans Ouest-France par Jean Ollivro, professeur à Rennes 2 et président de Bretagne Prospective. Depuis, les chiffres ont changé puisque la Bretagne importe désormais 86 % de son énergie (et non plus 90,9 %). Cela montre que des progrès ont été réalisés et sont encore possibles. Par ailleurs,  plus de 500 personnes ont participé à une manifestation le 20 mai dernier pour réaffirmer leur opposition. Le collectif Construire la Bretagne renouvelle son appui à cette prise de position et continue de trouver ce projet hors-sol. Pour mieux comprendre, voici l’article publié.

 

Dans tous les Etats européens, l’autonomie énergétique progresse car les pays ou régions ont compris que le renchérissement des prix invitait à se prendre en charge pour davantage de bénéfice. Ainsi, le Danemark produit désormais 40 % de son énergie électrique via les éoliennes, l’Allemagne dispose de 7 000 usines de méthanisation et l’Écosse annonce qu’elle va créer 140 000 emplois pour développer les énergies du pays plutôt que de dilapider l’argent des consommateurs en important du gaz de Russie ou du pétrole du Moyen-Orient. En somme, tout le monde constate un coût énergétique grandissant. Et chacun souligne qu’il faut désormais compter sur ses propres forces, substituer pour plus de profits les énergies locales à celles qui sont importées, libérer l’énergie par les territoires en activant les ressources dont on dispose en propre (houle, solaire, vent, bols, méthane…). Tous ? Non. Un village gaulois résiste et voici que s’initie le projet de la centrale à gaz de Landivisiau, d’un coût minimal de 400 millions d’euros. Malgré les contestations locales, les thuriféraires nationaux et régionaux du projet évoquent un projet« obligatoire » et même « écologique », la présence d’un équipement crucial puisque la Bretagne est « en bout de ligne » et doit se prémunir d’un possible black-out » et de coupures énergétiques. Sommes-nous en « bout de ligne »ou nous a-t-on propulsés dans un terminus ? Avec ce projet, ne va-t-on pas une nouvelle fois fonctionner avec l’externe, importer de l’énergie allogène, plomber notre déficit commercial et importer une énergie que l’on pourrait produire sur place ? La Bretagne importe aujourd’hui 90,9 % de son énergie. Il y a donc 90,9 % du marché à prendre. Dans une approche prospective, le processus pourrait créer une centaine de milliers d’emplois car ici la nature est particulièrement généreuse et offre tout pour réussir (vent, houle, bois, méthane…). Quand comprendra-t-on enfin que les solutions du développement « durable » ne viendront pas de Paris et des grands groupes mais d’une véritable stratégie régionale nourrie d’actions pragmatiques ? Loin d’être inféodé à des visions descendantes et centralistes qui veulent, pour le coup, nous Imposer une réelle usine à gaz, l’avenir énergétique breton ne réside pas dans les solutions d’un autre âge. Comme partout en Europe, il impose des solutions ascendantes, nouvelles et très pragmatiques, valorisant l’immense potentiel de la région. Un autre monde est à inventer en valorisant ici les ressources disponibles. Par des actions très concrètes et créatrices d’emplois (écoénergie, filière industrielle pour produire des méthaniseurs labellisés…) la Bretagne doit devenir adulte pour produire ici ce que l’on nous impose. Une économie de substitution, disent les uns ; plutôt une économie de la repossession, tout simplement basée sur le bon sens, l’écologie, l’avenir, avec en prime la création d’activités et d’emplois économiques tangibles.

Jean Ollivro, Géographe. Président du laboratoire d’idées Bretagne Prospective.