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Omniprésents il y a quelques mois, les appels à « l’unité » française et à la solidarité nationale s’effilochent. Face à la barbarie, les gens se sont levés pour « faire corps », affirmer une terre de tolérance et de partage, en appeler à l’égalité et la fraternité républicaine. Les Bretons se sont mobilisés de façon exceptionnelle et bien plus que dans d’autres régions. Les gens aspirent effectivement à une République tolérante, unie, solidaire et à un projet les rassemblant. Or, 63 % des Français les plus riches vivent à Paris et ont vu leurs revenus augmenter de 40 % en 5 ans. Sur la seule année 2014, l’argent distribué aux actionnaires des entreprises du « CAC 40 » a augmenté de 30 % pour un total de … 56 milliards d’Euros ! Alors que l’essentiel de la population a connu une année difficile (baisse du pouvoir d’achat, essor du chômage etc.), quasiment personne n’a commenté ce chiffre invraisemblable avec la présence d’entreprises qui ont toutes leur siège social à Paris. Parallèlement, « la grande affaire du quinquennat » (la régionalisation) devient une farce avec d’un côté des régions niées (la Bretagne, l’Alsace) et de l’autre des ensembles artificiels dessinés sur un coin de table. « Que tout change pour que rien ne change ». Le bazar institutionnel se perpétue et la République « indivisible » semble rétive à toute forme de modernisation. Les inégalités et fractures territoriales ne cessent de croître. Le projet de métro du « Grand Paris » est estimé à 29 milliards d’Euros et dès cette année 2 milliards ont été attribués à Alstom pour la seule construction des rames. A titre de comparaison, le budget annuel de la Bretagne administrée est de 1,5 milliard ! Présenté comme utile « pour les populations défavorisées », le tracé du projet unit  en fait La Défense, le Bourget, Roissy, Orly… Cette vision centralisatrice est reconduite à l’échelle des régions avec une prime inédite aux grandes métropoles qui vont fortement augmenter leur pouvoir financier. A l’inverse, la « France périphérique » évoquée par C. Guilluy, les zones rurales, certaines banlieues… apparaissent largement oubliées et génèrent un vote contestataire pour le moins inquiétant.

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Comment construire l’unité alors que l’on ne cesse dans les territoires de produire des fractures ?  Le discours sur l’unité est indispensable. Encore faut-il qu’il se concrétise dans les actes par des décisions répartissant mieux les richesses, limitant les inégalités territoriales et sociales. Or, la stratégie de Paris reste de diviser pour mieux régner. L’Etat saupoudre les budgets et orchestre la rivalité des  territoires. A l’instar de ce qui se fait en Suisse où chaque territoire est pris en compte,  l’enjeu est aujourd’hui pourtant de libérer les projets en créant de vraies forces régionales, d’établir ensuite l’indispensable pouvoir régalien pour limiter les écarts. On en est si loin.  Le vrai problème de la France en 2015 reste un et indivisible : il résulte des excès du centralisme parisien. De fait, le vrai débat sur l’égalité territoriale n’est jamais mis sur la table. La vraie fracture entre « girondins » et « jacobins » n’est jamais exprimée. Déboussolés et écœurés, les citoyens s’en remettent alors aux extrêmes, voire penchent pour une idéologie ultranationaliste. Coupable de ne pas mettre l’avenir de la France sur la table, Paris -pour conserver son pouvoir- joue avec le feu. Les « Républicains » indivisibles risquent d’être débordés par les forces de territoires et populations à l’abandon qui, n’y comprenant plus rien, s’orientent vers des partis encore plus nationalistes puisque aucune alternative n’est proposée. L’oubli d’une France girondine avançant de manière collective pour valoriser les diversités régionales et locales est un drame. Mais, pour maintenir leur pouvoir, les élites en place semblent prêtes à jouer la carte éventuelle du chaos.

Le Comité de Rédaction.