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Dans tous les partis, il est de bon ton d’être Breton en Bretagne et de ne rien faire pour le pays quand on se retrouve à Paris. A ce jeu de dupes, la droite sarkozyste ou les socialistes ont marqué des points. Promesse bien sûr de ratification de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, engagements solennels et dans les différents programmes d’unifier enfin la Bretagne. On en passe et des meilleures. Depuis une dizaine d’années, ce ne sont pas les promesses bretonnes qui ont manqué. On reste plus dubitatif quant aux actes. Par exemple, partout en Europe, les langues dites régionales sont désormais largement soutenues, promues, reconnues comme des patrimoines indéfectibles de l’humanité. La Bretagne reste patiente. Elle apparaît plutôt et surtout aujourd’hui telle une belle endormie.

Mais à ce jeu de dupes territorial, s’il est un parti qui s’individualise désormais plus que tout autre, c’est bel et bien le Front National. Sur le site de ce parti qui se définit lui-même comme « national » et c’est son choix, on constate des prises de position pour le moins limpides. Par exemple, le « FN » s’exprime à répétition et très clairement « contre la ratification des langues régionales ». Cette dernière créerait une « dangereuse brèche dans la République » (M.M Le Pen et G. Collard), « consacrerait la balkanisation de la France et le triomphe du communautarisme » (F. Philippot). Dans les différents textes des dirigeants du FN, on ne peut être plus clair. La valorisation des « identités régionales » est pour eux une « bombe à retardement » puisque ce serait jouer « aux apprentis sorciers » (sic) que de « flatter les identités politiques régionales qui entraînent tôt ou tard l’émergence de revendications territoriales ». Le discours du FN est donc très clair et c’est son droit. Il est hors de question de porter « sournoisement » (sic) atteinte à « l’héritage multiséculaire de la France, l’indivisibilité de notre pays et à l’unicité du peuple français » (K. Ouchikh, conseiller de Marine Le Pen, président exécutif du SIEL « Souveraineté, indépendance et libertés »). Les prises de position du FN sont donc sans doute les plus claires en France avec celles de J.-L. Mélenchon qui osa par ailleurs comparer Diwan à une secte. Il y a la France. Il n’y a rien d’autre. Tous, le petit  doigt sur la couture du pantalon.

Il est alors pour le moins étonnant et en réalité insultant de voir comment le FN utilise depuis deux ou trois ans les symboles de la Bretagne pour promouvoir ses idées. D’un côté, ce parti nous dit qu’il n’a qu’une échelle territoriale en tête, la France « indivisible » (sic). Il insiste lourdement sur le fait qu’elle est unique et c’est son droit. Ce n’est pas nous qui le disons, l’écrivons ou le répétons. C’est eux. On ne peut donc pas nous accuser d’interprétation puisque l’on fait un copier-coller de leurs propos et chacun peut le vérifier (par exemple http://www.frontnational.com/terme/langues-regionales/).

De l’autre côté, personne ne contestera non plus que ce parti affiche désormais un ou deux gwenn ha du ou drapeau normand dans ses meetings. Il n’y en a généralement pas plus et ils sont noyés dans la marée des drapeaux bleu, blanc et rouge. Mais, le diable étant dans les détails, ils sont bels et bien là. Par quelle magie un parti qui ne jure que par une échelle (c’est bien lui qui le dit et pas nous, c’est omniprésent dans tous ses programmes) peut-il alors en Bretagne en affirmer une autre ? Prend-il les Bretons pour des imbéciles ? Si l’on est sérieux, il n’est pas possible de clamer haut et fort son opposition manifeste aux identités régionales (c’est encore une fois leur droit) et par la suite venir en Bretagne surfer gentiment sur l’identité bretonne pour grappiller des voix. Un exemple pour le moins révélateur de cette manipulation est présent sur le tract distribué lors de l’arrivée de « trente migrants à Trégastel ». Dans le texte, on ne parle que de la France. Mais voilà, comme par hasard, qu’une petite hermine apparaît. Comme par hasard. Cette hermine qui saigne est d’ailleurs devenue le logo régional. On ne sait pas si ceux qui dorment dans leurs lambris parisiens ont conscience de l’ampleur de ce ratissage manipulatoire qui, à tort ou à raison, surfe sur tous les mécontentements, dispose désormais d’une puissante organisation sur le terrain. Par contre, ce que l’on constate, c’est qu’on est clairement dans une phase d’instrumentalisation de la Bretagne alors que ce parti, au plus haut niveau, dit vouloir la détruire et, répétons-le, s’affiche « contre l’émergence de revendications territoriales ».

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S’il laisse évidemment chacun penser ce qu’il veut, le Comité de Construire la Bretagne a le devoir se souligner ces contradictions. Si le populisme et la propagande pure sont possibles, il est aussi pour l’instant encore possible de les démasquer et de les dénoncer. Il est peut-être possible de vouloir manger à tous les râteliers. Par contre, il n’est ni sérieux ni possible de dire à la fois tout et son contraire. Or, le FN dit et écrit tout et son contraire. Chacun peut le vérifier. Il s’agit sans doute de la machine de guerre la plus anti-bretonne qui existe, assez comparable d’ailleurs sur ce sujet au Front de Gauche ou en tout cas à J.-L. Mélenchon.

Le Comité de Construire la Bretagne