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Point de vue. Par Jean Ollivro, géographe, université de Rennes 2.

Pendant toute la campagne, le candidat de La République en marche n’a eu de cesse de vanter les territoires en mouvement, de vouloir résoudre les « fractures territoriales » de la République. S’il a réalisé de tels scores en Bretagne, c’est précisément car sa campagne était teintée d’espoir girondin, faisait clairement confiance à l’Europe et rappelait que la France est riche de sa variété territoriale.

En opposition à un FN obsédé par une échelle nationale unique et finalement de repli, Emmanuel Macron a tenu un discours de la modernité. Il est apparu comme le candidat de tous : un homme ouvert à la concrétisation d’une France des territoires et des projets, faisant du pragmatisme son créneau.

Le 16 janvier à Quimper, en chantre de la modernité territoriale, il salue joyeusement la Loire-Atlantique comme étant bretonne, sans faire pour autant de promesses à ce sujet. Le 4 mars à Caen, il salue la Normandie, sans faire état de la Haute ou de la Basse.

Sauf que la machine parisienne semble aujourd’hui prendre le dessus. Par un hasard de calendrier, le Président s’est retrouvé embarqué dans la défense de la candidature française aux Jeux Olympiques de 2024. Pourquoi pas.

Toutefois, ce n’est pas la France qui a gagné les « JO » mais Paris. En conséquence, il faut accélérer « le Grand Paris » (25 milliards), trouver six milliards pour l’événement (le coût de Londres, annoncé à quatre, a finalement atteint 10,4 milliards).

JO : pour la France ou pour sa capitale ?

Tout en clamant à qui voulait l’entendre « la réussite de la candidature française », les médias nous ont montré de merveilleuses images 3D d’aménagements somptueux, une nouvelle fois programmés dans la capitale ou sur les riches quais de Seine.

Les JO c’est merveilleux. On va en profiter pour épurer la Seine, pouvoir s’y baigner, y promouvoir les mobilités douces, faire un nouveau métro qui, nous dit-on, sera utile aux pauvres alors que, dans les faits, son tracé unit la Défense au Bourget, à Roissy, à Orly… avant de revenir sur la bien nommée « Défense ». La Défense toujours, de Paris et de ses intérêts.

Sait-on que 63 % des Français les plus riches vivent à Paris et ont vu leurs revenus augmenter de 40 % en 5 ans ? C’est la crise donc. Mais pas pour tous. Sur le plan territorial, la France reste un des deux ou trois pays organisés de la façon la plus inéquitable au monde.

Cette réalité est un tabou, un non-dit, entretenu d’ailleurs par les médias eux-mêmes concentrés dans la capitale. Paris compte 70 % des journalistes français, toutes les entreprises du CAC 40 y ont leurs sièges, 96 % des opérations boursières y sont localisées, 70 % du budget de fonctionnement du ministère de la Culture est alloué à la gestion de dix monuments, tous parisiens.

Les J.O de 2024 seront français ? À la bonne heure. Sauf que les Français ne sont pas dupes. Emmanuel Macron a dit « qu’on avait assez soupé des réformes institutionnelles » et il ne semble pas vouloir résoudre cette inégalité majeure.

Alors qu’il se présentait comme le Président de tous et voulait sans doute sincèrement changer les choses, le risque est qu’il devienne le Président de Paris, voire du « Grand » Paris. Il y a peu, le journaliste Laurent Joffrin l’a qualifié du Président du « Couac 40 » et ce n’est sans doute qu’un début. Emmanuel Macron est piégé par l’héritage centraliste et devient un président normal et parisien comme les autres. Il ne faut pas aller beaucoup plus loin pour expliquer l’effondrement très soudain de sa cote de popularité.

 

Lire l’article sur Ouest France